NORA
« Nora »
Quelques éléments de son histoire
Nora est une petite fille brune aux yeux noirs, pleine de vie, elle prend soin des autres jeunes du groupe qui sont moins autonomes qu’elle. Sa présence génère du mouvement et de la gaieté dans le groupe. Née en 2006, elle est accueillie en institution en 2014. Elle présente un syndrome de Floating-Harbor (anomalie du développement embryonnaire d'origine génétique) caractérisé par une dysmorphie faciale, une petite taille avec retard de l'âge osseux, un retard de langage et une hyperactivité. Elle vit avec sa mère, son père (atteint lui-même de ce syndrome) et ses deux sœurs.
Avec l’équipe médicale et les éducateurs, nous avons choisi de lui proposer des séances individuelles en art-thérapie. La prise en charge a duré sept mois durant lesquels nous avons partagés 21 séances de 45mn.
Pendant la 6 ème séance, Nora gribouille une feuille en me disant qu’elle écrit son prénom. Je lui propose de choisir des tissus pour les coller sur sa feuille et orner son prénom. C’est la première fois que Nora semble fière de partager un objet qu’elle a fait.
Les éducateurs l’accueillent avec un grand intérêt, en lui posant des questions et en la félicitant. Son œuvre restera accrochée dans le salon pendant plusieurs jours.
Au fil des séances, je découvre une autre facette de Nora, la colère. La psychologue de l’institution me dit que peut être, en grandissant, Nora prend conscience de sa différence. Je constate qu’elle cherche le contact physique, tape sur ses œuvres et sur Turlutin, poupée qui est présente pendant toute la séance et qui permet à Nora d’exprimer ses émotions, avec des mots et des gestes.
Lors de l’avant dernière séance, elle décide de fabriquer un lit pour Turlutin. Elle prend des morceaux de laine pour l’oreiller, découpe des tissus pour les couvertures, elle lui enlève son sac à dos « pour qu’il soit à l’aise » dit-elle (elle le reposera délicatement sur son ventre quand il sera endormi).
A la fin de la séance, nous partageons une tisane (c’est notre rituel de fin) en chuchotant pour ne pas réveiller Turlutin et c’est dans ce calme que nous retrouvons le groupe.
Pour la dernière séance, Nora semble émue. Elle souhaite récupérer quelques-unes de ses œuvres. Je lui propose de fabriquer une pochette. Nora met des tissus à l’intérieur de cette pochette et quand elle les sort, elle me dit qu’ils sont plus grands : « C’est une pochette magique qui transforme en grand ».
Elle met sa main à l’intérieur et me dit en la ressortant « hop, elle a grandi », puis fait de même avec son nez, son genoux et plusieurs parties de son corps. A chaque fois, la magie opère, elle se transforme en « grande ». Elle monte sur la table et me dit : « tu as vu comme je suis grande maintenant ».
J’apprendrai par une éducatrice, après la séance, que c’était pour Nora son dernier jour dans ce service qui, au vue de ses progrès, n’est plus adapté à ses besoins. Elle aurait pu quitter l’IME depuis quelques semaines mais il a semblé important aux équipes qu’elle puisse bénéficier des ateliers d’art-thérapie jusqu’à la fin de la prise en charge.
Je me réjouis d’autant plus de cette dernière séance. Nora a grandi et semble prête à rejoindre un autre groupe.
Les effets positifs de l'art-thérapie
:
Face à l’agressivité et à la destructivité, qui se sont exprimées lors des premières séances, le fait de pouvoir résister, de conserver, voire parfois de réparer ces objets, a construit une base dans la relation. Cette étape s’est avérée essentielle pour ancrer l’existence à quelque chose dans le réel, en tout cas dans le premier temps de la rencontre. Le soin à leur conservation ou la réparation confèrent à ces objets créés pendant les séances d’art-thérapie, et par-delà à Nora, le sentiment de son existence et de son importance.
La 6ème séance a été un moment capital, un moment de « bascule » pour Nora. En acceptant de faire de cette trace une marque identifiée, une production subjective, les éducateurs et moi-même avons reconnu l’avènement d’un sujet sorti du chaos de l’indifférenciation et l’apparition d’un objet transitionnel.
La 6ème séance a été un moment capital, un moment de « bascule » pour Nora. En acceptant de faire de cette trace une marque identifiée, une production subjective, les éducateurs et moi-même avons reconnu l’avènement d’un sujet sorti du chaos de l’indifférenciation et l’apparition d’un objet transitionnel.
